Sergio Valenzuela-Escobedo

Independent artist and curator, he obtained his PhD at the National Photography School in Arles, France (ENSP) in 2022. After a year at the National School of the Arts in Johannesbourg, he graduated in Photography in Chile and completed his Masters of Fine Arts at the Villa Arson in 2014.

Since 2005, he has been designing and curating exhibitions in Chile and Europe, including Mapuche at the Musée de l’Homme in Paris and Monsanto: a Photographic Investigation at the Rencontres d’Arles. His photographic research focus on the critical and historical understanding of the introduction of the photographic medium in South America and the complex intersections of identities in ancients cultures. His work focuses on interdisciplinary theories that have shaped knowledge, techniques and beliefs, by which societies have re-configured the concepts of imagination, representation, embodiment, and identity.

Summary

« MǞNKÁČEN : Superstition et photographie chez les peuples originaires d’Amérique du sud »

Toumayacha Alakana : cette expression est à l’origine de ma recherche : elle signifie « regarder la tête couverte d’un voile ». C’est ainsi que les Fuégiens ont nommé l’acte de photographier au XIX ème siècle, quand ils ont vu les premiers appareils photographiques avec les opérateurs qui ont débarqué en Amérique dès 1840.

Quels noms les peuples locaux ont-ils donné à ces nouvelles images-objets ? Comment cet outil inconnu a-t-il été perçu ? Que signifie d’être regardé la tête couverte d’un voile ? C’est par un changement de focale et une inversion du point de vue que cette thèse approche l’étude de l’acte photographique en Amérique du Sud. La compréhension de ce dernier peut-elle changer si on l’aborde à partir du regard que ces peuples portent sur l’appareil photographique ?

Certes, les collections photographiques européennes montrant cette Amérique ancestrale témoignent du colonialisme et du contexte sociopolitique des pays concernés par rapport aux communautés autochtones. Ces dernières ont en partie perdu leur culture, leur autonomie économique et territoriale. Mais elles témoignent aussi d’une histoire inédite concernant non seulement l’utilisation de la technique, mais aussi le rapport aux savoirs et aux superstitions qui caractérisent la culture de ces peuples du « bout du monde », ou encore le conditionnement de notre regard et de nos connaissances sur ces peuples. Dire que les indigènes ne veulent pas être photographiés, en particulier parce qu’on « va leur voler leur âme », est un mythe colonial ; cette croyance occidentale a donné de la valeur aux images que les explorateurs ont rapportées. La question du refus des appareils est beaucoup plus complexe et variée : la résistance peut porter sur la prise de vue, sur la circulation de l’image de soi, sur le caractère unilatéral de la transaction, sur l’incompréhension de l’appareil comme sur des conséquences politiques et spirituelles.

Les résultats de cette recherche sont indissociables de l’exposition de mon travail artistique et du catalogue qui l’accompagne. Cette recherche brouille les frontières entre commissaire et artiste, entre recherche et création, entre pratiques théorique et artistique. L’exposition et le catalogue posent différents axes réflexifs selon une méthode expérimentale et interdisciplinaire ; elle s’appuie sur une collection ethnographique pour défendre la thèse de l’existence d’une « mécanique mystique ».