Corentin Laplanche-Tsutsui
Corentin Laplanche Tsutsui est né en 1990 dans les Pyrénées, où il a grandit. Il est diplômé de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (2018, félicitations du jury) au sein du secteur photo-vidéo. Son échange à l’Académie des Arts de Chine (Hangzhou, Zhejiang, 2016-2017) a marqué un tournant dans sa pratique.
Il poursuit aujourd’hui un cursus doctoral en co-direction entre l’École nationale supérieure de la photographie (Arles) et le Centre Norbert Elias (AMU / EHESS Marseille), et mène une recherche autour des mutations urbaines.
En 2019 il obtient la Mention spéciale du jury du Prix Émergences 2019, pour son film Râ226 et son projet en écriture Ville Composite. Il est aussi le lauréat de la résidence Renault F1 (Collection d’Art Renault x EnsAD).
Son travail s’articule autour des lieux. La notion de cognitive mapping y est centrale: il élabore des modes de représentation qui ont pour but rendre appréhendable un réel produit. Ainsi, des disciplines telles que l’architecture et l’urbanisme le traversent, aussi bien que l’histoire des formes. Il s’inscrit aussi dans des institutions, et par une démarche structuraliste, tente d’en révéler les rouages, l’idéologie sous-jacente. Il aborde ces espaces sous l’angle d’une fascination critique : ils inspirent les projets dans lesquels il en dresse le portrait sous forme d’analyse critique. Les médias et les sources se mélangent – il utilise aussi bien des archives que des images ou objets de sa production – il s’intéresse aux modes de représentations. Ses projets se déclinent entre photographie, vidéo, installation et objets dérivés.
« Anticarte de la cité : pouvoir et contre pouvoir de la cartographie cognitive en milieu urbain »
Corentin s’intéresse à la cartographie cognitive comme possible outil de contre-pouvoir dont l’usage serait un acte politique.
En s’inscrivant dans une démarche d’artiste-chercheur il s’agit tout d’abord de comprendre comment l’accélération générale de nos sociétés, vue sous le spectre de nos métropoles, a affecté notre cartographie cognitive. Il est donc question de s’intéresser à des phénomènes non-artistiques, avec un regard d’artiste, tout aussi bien qu’à leur interprétation par la sphère artistique. La problématique de ce travail de recherche pourrait s’articuler ainsi : En quoi les enjeux de cartographie cognitive posés par les mutations de la ville contemporaine induisent-ils une esthétique des formes politiques ?
La recherche portera sur l’incidence des mutations métropolitaines durant les dernières décennies, questionnera en quoi ces évolutions, aussi bien urbanistiques qu’algorithmiques, impactent nos mécanismes cognitifs, viennent réécrire notre cartographie cognitive, nos modes intimes et collectifs de représentation de notre environnement, nos idéologies.
Ces problèmes de représentations seront envisagés dans une perspective formelle, relative à des rapports de productions : comment notre réalité est-elle produite ? comment elle nous informe ? et en retour comment nous-même la produisons ou pouvons-nous la produire ?
Il s’agira de faire usage de compétences artistiques, à l’image de Raivo Puusemp, c’est à dire d’une certaine faculté à appréhender des structures conceptuelles. Ces compétences seront destinés à un travail de recherche théorique; lui-même permettant de construire, et d’alimenter, la recherche plastique. Cette dernière s’articulera autour d’un projet de film et d’installation : Ville Composite.
Ville Composite
Osaka Stadium (1950-1998)
Stade de baseball japonais dont le terrain fut provisoirement occupé par un parking ainsi qu’un lotissement de maison témoins. Quelques années plus tard, il fut détruit pour laisser place à une tour et un centre commercial, connu aujourd’hui sous le nom de Namba Parks.
Autour du stade se déploie l’abstraite et lumineuse Composite City. Métropole fluide, fleuve – dans son courant s’interchangent valeurs et fonctions. Insaisissable, elle glisse chaque nuit un peu plus autour du globe. Est-il possible d’archiver une ville dont l’histoire est trop rapide pour être écrite ? La ville composite apparaît dans la nuit artificielle d’un studio de cinéma. Trois personnages y déambulent, arpentent le décor en construction de cette ville hybride. Ils parcourent la reproduction d’une ruelle de lotissement, s’installent sur des gradins ou observent la maquette de l’Osaka Stadium placée au centre du studio.
Le studio est en reformation permanente; comme la mégalopole monde, il n’a de cesse de muer. Pourtant les trois personnages, Q, K et B, parviennent à tisser de manière fragmentaire, au travers de récits d’expériences urbaines, l’histoire d’une métropole contemporaine. Ils sont les conteurs d’une ville plurielle et fantasmée, le stade est le terrain de leurs récits rejoués. En studio, les frontières se franchissent d’un geste. Composite City se déploie d’Osaka à Shanghai, de Hangzhou à Paris. Au fil des métamorphoses des pièces de décor, un espace chimérique et abstrait se dessine, épuré.
La Ville émerge, comme un lieu où les temporalités s’inversent : la transition y est permanente, la permanence, temporaire. L’état d’urgence s’institutionnalise et les chantiers sont permanents. Un bâtiment n’a plus que quelques décennies à vivre – la ville est à durée limitée. On peut la mettre en suspens, en faire une ville exceptionnelle – et une ville en état d’exception. Une ville-usine dont le récit donne à voir les machines et les machinations. Le rêve collectif de la métropole dans la nuit permanente d’un studio de cinéma.