Camille Ayme
Née en 1983, doublement diplômée de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette puis de l’École nationale supérieure d’art de Cergy-Pontoise, Camille Ayme poursuit un travail plastique autour des composantes de la ville moderne et de la mobilité.
Mettant en tension les États-Unis où elle a beaucoup voyagé – notamment grâce à la Bourse Delano-Aldrich en 2013 – et la France, elle dessine les contours d’une cartographie du suburbain devenu reproduction mondiale.
En 2017, elle développe ce propos sur le territoire du Grand Paris, dans le cadre de la commande photographique initiée par le CNAP et les Ateliers Médicis « Les regards du Grand Paris » dans son projet hybride « Fiat Lux ».
Depuis 2018, elle fait une thèse en recherche-création codirigée par l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles et l’EHESS Marseille dans laquelle elle explore les notions de paysage et d’anthropocène, notamment dans les activités d’extraction du sol effectuées par l’Homme.
« Paysages inintentionnels : Extraction, magma et autres histoires de sédiments ».
Cette thèse s’inscrit dans une anthropologie générale des matières premières et des techniques et sur une activité encore peu travaillée du point de vue comparatif, celle de l’extraction des roches et sédiments de la croûte terrestre. En étudiant les différentes techniques et outils nécessaires à l’extraction et en observant la forme des négatifs laissés dans le sol ou plus profondément, je dresserai une typologie des lieux exploités en mêlant les approches objectives et sensibles de l’anthropologie et de l’archéologie et les outils des arts visuels, établissant ainsi une anthropologie visuelle comparative des carrières autour de la planète.
Comment rendre compte des atteintes portées à la surface terrestre par les activités humaines d’extraction, des plus discrètes aux plus spectaculaires? Ce projet fait l’hypothèse que l’action de l’homme sur la nature, notamment dans l’extraction de matières, crée par accident de nouvelles typologies paysagères, et de
nouveaux écosystèmes, voire de nouveaux milieux. Cet acte paysager est conditionné par les types de ressources extraites, par leurs caractéristiques physiques. Ainsi les minerais par exemple, souvent en petites quantité dans les roches demandent de très grosses excavations, alors que des roches métamorphiques comme le marbre, dont toute la matière est exploitable, est découpé selon les capacités des camions à le transporter.
Comment les méthodes d’extraction de la matière influent directement sur la géométrie des lieux ? L’exploitation des ressources extraites présente différents moments correspondant à différents types d’architecture : on trouve généralement sur le site même de l’extraction un premier type de structure, permettant un premier niveau de traitement de la matière. Elle est ensuite transportée sur un site plus éloigné du lieu d’extraction ou elle subit un raffinage plus élaboré. Certaines de ces structures, notamment liées à l’exploitation du fer ont été largement repertoriées dans le travail de Bernd et Hilla Becher. Les traitements subits par la matière première entrainent une forte production de déchets. Ainsi, dans le cas du charbon, ces déchets constituent eux-mêmes un paysage fort, qui marque certaines villes françaises dans le Nord (le bassin minier Nord Pas de Calais est inscrit au patrimoine mondiale de l’UNESCO depuis 2012) ou encore dans la région Stephanoise.
Ce projet transdisciplinaire de recherche-création propose un croisement entre les arts plastiques et les sciences humaines, et plus particulièrement l’anthropologie et l’archéologie. Par l’association de différentes méthodes de recherche mêlant tout à la fois les dimensions sensibles et vécues des personnes mais aussi objectivées des matériaux et des artefacts, c’est le pari de tenter de travailler une nouvelle façon de penser les processus de création. Par cette double approche il s’agit d’aborder le projet par des méthodes et éléments de connaissances distincts de ceux traditionnellement développés dans la recherche académique avec pour objectif de poser une méthodologie de travail innovante et de concevoir des dispositifs créatifs nouveaux (éditoriaux, narratifs, spatiaux ou encore performatifs en situation). En créant ces nouvelles formes, différentes échelles seront expérimentées, afin de répondre à différents points de vue portés sur le sujet.