Inframince #16
L’image n’est qu’une infime parcelle du visible, qui n’est lui-même qu’une infime portion
du réel.
Il nous a donc semblé nécessaire de porter notre regard sur cette part invisible,
malgré le paradoxe inévitable que cela suppose. Car ce qui reste invisible, qu’il soit tenu
hors-cadre ou qu’il reste inaccessible au regard, n’est pas pour autant sans effet.
Cette invisibilité détermine, balise et organise le domaine du visible. Silencieux, l’invisible se tient dans tout proces-
sus de production d’image comme interdit ou comme horizon. Il est la marque de discriminations
esthétiques, techniques et politiques. Il est ce qui nous permet de penser les limites de nos modes
de représentation.
C’est sur les frontières du visible que s’élabore ce numéro, abordant différents objets et différentes
formes d’invisibilité. Il est question avec Estefanía Peñafiel Loaiza et Camille Ayme de l’invisibilité
imposée ou refusée à certains corps maintenus sous surveillance. Avec Sergio Valenzuela Escobedo
la technique photographique s’énonce comme élément d’une opération coloniale qu’il convient
de repenser depuis son contrechamp, à partir de ce qui est sous le regard de l’appareil. Sous un
autre angle, mais face à la même situation et avec l’exemple de Man Ray, Damarice Amao envisage
le hors-champ comme un lieu de l’agir politique. Échapper à la représentation serait une forme
de reprise, une manière d’échapper à l’emprise des idéologies. Depuis Foucault, la question de la
visibilité et de la surveillance se pose fatalement comme paradigme de gouvernance. L’invisibilité
se manifeste alors comme stratégie, une stratégie qui concerne en premier lieu le photographe,
opérateur spécialisé du visible.
Il faut questionner le rôle de la photographie dans l’aveuglement et à l’inverse les formes alterna-
tives qui naissent de la pression du visible. Timothée Pugeault étudie ainsi l’extension du cadre de
l’image par les moyens de la technologie. Chez Geert Goiris, sur un mode plus contemplatif, c’est
l’outil photographique qui donne à voir ce que l’œil ne saurait voir. Un entretien avec Wolfgang
Tillmans permet enfin d’explorer ces limites et contradictions de l’image qui ne cesse de se heurter
à l’invisible et qui tout à la fois le dévoile et le masque.
ÉDITORIAL | Nicolas Giraud
PORTFOLIO | Un air d’accueil
Estefanía Peñafiel Loaiza
DOSSIER |
- Politique voilée ,Damarice Amao
- Toumayacha Alakana, Sergio Valenzuela Escobedo
- Aveugler et prévoir, Nicolas Giraud
- Ad mortem æternam, Camille Ayme
LABORATOIRE | Sur la lecture investigatoire des images
Timothée Pugeault
ENTRETIEN | Au bord du visible
Wolfgang Tillmans
PORTFOLIO | Voir par d’autres moyens
Geert Goiris
LIVRES |
- Londres, Sergio Larrain
- Flux, Une société en mouvement, collectif
- Pour une photographie documentaire
- Critique, Philippe Bazin